L'usine dans le grenier à grain chinois

C'est à Gaomi, dans l'est de la Chine, que CLAAS a choisi de s'implanter en 2014 pour produire des machines agricoles haut de gamme ainsi que des pièces et des sous-ensembles d'un niveau de qualité digne de celui de fournisseurs allemands. Le centre de production doit également son succès à son système de formation en alternance et à la culture d'entreprise CLAAS que les collaborateurs chinois font vivre à plus de 8 000 kilomètres du siège de l'entreprise à Harsewinkel.

« Conçue en Allemagne, fabriquée en Chine »

Entretien avec Bernd Kleffmann, Sebastian Pleuler et Xi Chen.

Entretien

Xi Chen est un lève-tôt. Chaque jour de la semaine, il franchit les portes de l'usine chinoise de Gaomi au plus tard à sept heures. Lorsqu'il s'installe dans la vaste cantine de l'usine pour y prendre son petit-déjeuner et discuter de leur vie privée avec les employés, certains d'entre eux sont encore un peu surpris de sa démarche. Il faut savoir qu'en tant que directeur général, Xi Chen est responsable de la production en Chine et qu'il est peu fréquent dans les entreprises chinoises qu'un patron entretienne une telle proximité avec le personnel.

Xi Chen dévoile - en allemand - ce qu'un collaborateur lui a dit un jour : « M. Chen, autrefois, on ne voyait pratiquement jamais nos patrons. Mais vous, vous faites des visites à la production et mangez avec les autres à la cantine. Cela me plaît beaucoup. » Xi Chen est fier de ce compliment. En effet, il met un point d'honneur à ce que l'usine de Gaomi ne soit pas une usine chinoise comme les autres : « Nous sommes une entreprise allemande, même si nous travaillons en Chine. Nos clientes et nos clientes ont des attentes très pointues envers nos produits », raconte le directeur général. « C'est tout à fait légitime, puisque les moissonneuses-batteuses CLAAS sont des fleurons sur le marché de la machine agricole. » Pour répondre à ces attentes, Xi Chen veille avec une attention particulière à ce que l'usine chinoise s'imprègne de la culture CLAAS.

« Voici ma devise personnelle : dans la vie, il faut être constructif, avoir confiance en soi et savoir rester positif. »

– Xiaochuan Liu, opérateur production

« Les résultats des agriculteurs sont très dépendants de la qualité de nos produits. Voilà pourquoi je veille à l'excellence jusque dans le moindre détail. »

– Xiang Zhai, opérateur production

« En tant que membre de la famille CLAAS, je suis amené à travailler avec des collègues et des partenaires de tous pays pour contribuer à atteindre notre objectif commun : obtenir les meilleurs prix et développer notre activité. »

– Glen Wang, responsable du service approvisionnements

« Le programme de formation en alternance proposé dans notre usine permet aux apprentis non seulement d'apprendre les compétences pratiques nécessaires, mais également à développer une sensibilité très précieuse pour la qualité et la responsabilité. En retour, ils contribuent à la qualité haut de gamme des produits CLAAS et j'en suis très fier. »

– Alfred Liu, responsable de la formation en alternance

« Je crois que la qualité dépend également de l'attitude de chacun. Je donc suis très heureux que l'ambiance soit aussi positive ici. »

– Yujian Pan, opérateur production

Une hiérarchie plate difficile à mettre en place

Xi Chen a à son actif un atout de taille : il connaît parfaitement l'Allemagne et les entreprises allemandes. Âgé de 45 ans, il est titulaire d'un diplôme d'ingénieur acquis en Allemagne, à l'université de Stuttgart. Après son doctorat à Karlsruhe, il a occupé durant de nombreuses années des fonctions d'encadrement chez des fournisseurs automobiles allemands.

Depuis qu'il a rejoint CLAAS il y a un an et demi, Xi Chen s'efforce de d'aplanir la hiérarchie à Gaomi. Sa tâche est loin d'être chose facile étant donné que les entreprises chinoises sont souvent plus hiérarchisées que des entreprises familiales comme CLAAS. De ce fait, de nombreux collaborateurs ont aujourd'hui encore quelques réticences à exprimer librement leurs idées. Pour lever ces barrières, Xi Chen a lancé une campagne d'échanges trimestriels au cours desquels les employés de l'usine peuvent poser des questions à la direction de l'entreprise, y compris de manière anonyme.

Cet instrument de communication encore peu répandu en Chine est très apprécié du personnel. La boîte à idées lancée récemment connaît elle aussi un énorme succès. Grâce à une application, les employés peuvent faire part de leurs suggestions d'amélioration, ce qui a permis d'optimiser de nombreux aspects de la production. La culture d'échange sans filtre et la politique de l'erreur constructive que Xi Chen tente de mettre en place ont elles aussi été très bien accueillies.

700 machines par an

Les changements de culture insufflés dans l'entreprise au cours des dernières années ont sans nul doute contribué au succès du site créé en 2014 sous la forme d'une entreprise conjointe avec un partenaire chinois. En 2016, l'entreprise a changé de raison sociale pour devenir la société « CLAAS Agricultural Machinery (Shandong) Co. Ltd. ». Elle est désormais détenue intégralement par le groupe allemand.

Après les difficultés initiales rencontrées lors de l'implantation de l'entreprise sur le marché chinois, CLAAS produit aujourd'hui à Gaomi 700 machines par an, principalement des moissonneuses-batteuses. Celles-ci sont majoritairement distribuées sur le marché local sous la marque CLAAS et la marque chinoise CHUNYU. Depuis quelques années déjà, l'usine de Gaomi se prépare également à exporter ses produits vers des marchés étrangers.

Le site compte aujourd'hui un effectif de 500 personnes et dispose d'un vaste réseau de vente et d'après-vente dans le centre et le nord de la Chine. Jusqu'à présent, CLAAS est la seule entreprise allemande implantée à Gaomi. Avec ses 900 000 habitants, la ville située dans la province de Shandong, l'une des principales régions agricoles de Chine qui la considère comme son grenier à grain, est certes plutôt petite à l'échelle du pays. La grande métropole de Shanghaï et ses dizaines de millions d'habitants ne sont qu'à sept heures et demie de route de Gaomi et à six heures environ en train.

Une qualité supérieure à celle de certains fournisseurs allemands

Chaque matin, à neuf heures, un « Morning Operation Briefing » est organisé dans la salle de réunion adjacente à la production. Lors de ce rendez-vous quotidien d'une demi-heure, Xi Chen discute des sujets d'actualité avec les chefs de service et de département. Ce cercle lui sert à s'informer des progrès réalisés et des problèmes du moment. Shirley Wang est également toujours de la partie. La jeune femme de 37 ans est en effet responsable du service qualité de l'usine CLAAS de Gaomi.

« La culture d'entreprise CLAAS est forgée dans l'aide et la confiance mutuelles », déclare la responsable. Le service qualité travaille étroitement avec la production, le bureau de style et les clients afin d'obtenir les meilleurs résultats possibles. Le travail de Shirley Wang et de son équipe de 37 personnes porte ses fruits.

La meilleure preuve en est que Gaomi est aujourd'hui également fournisseur de CLAAS Industrietechnik, une filiale du groupe CLAAS implantée à Paderborn, en Allemagne. Les pièces et sous-ensembles produits à Gaomi se retrouvent sur des machines CLAAS partout dans le monde. Récemment, Xi Chen, le directeur de l'usine, a été félicité par le siège du groupe à Harsewinkel, en Allemagne, pour produire une qualité meilleure que celle de certains fournisseurs allemands.

Les collaboratrices et les collaborateurs se réjouissent de voir leur usine continuer d'évoluer.

Cela est lié notamment aux relations étroites entre leur site et ceux situés au-delà des frontières de la Chine. Au cours des années passées, Gaomi et Harsewinkel ont régulièrement formé des tandems pour permettre à des collaborateurs chinois et allemands de travailler ensemble. À cela s'ajoute que CLAAS investit beaucoup dans la formation de ses collaborateurs également à Gaomi. Même durant la période de pandémie, alors que la politique "zéro Covid" appliquée en Chine était des plus fermes, des collègues chinois ont été autorisés à se rendre en avion à Harsewinkel pour y suivre des formations.

Xiandian Meng apprécie la culture d'échange au sein du groupe CLAAS. Âgé de 33 ans, il est responsable du service CLAAS Industrietechnik en Chine et travaille étroitement avec ses collègues allemands de CLAAS Industrietechnik à Paderborn. Xiandian Meng est titulaire d'un master en construction mécanique de l'Institut supérieur technique d'Aix-la-Chapelle (RWTH Aachen). Il est convaincu que les cultures allemande et chinoise se complètement à merveille. Selon lui, les Chinois font souvent preuve d'une efficacité et d'une souplesse extrême, tandis que les Allemands sont très attachés à la précision.

« Mes collègues à Gaomi doivent juste apprendre à s'habituer quelque peu au mode de communication plus direct pratiqué par les Allemands. » Des sujets que les Chinois auraient tendance à aborder avec politesse et de manière indirecte sont souvent abordés par les Allemands sans détours. « Avec le temps, on s'aperçoit que cela n'a rien de personnel, mais que le but est de faire avancer les choses », lâche le responsable avec un sourire.

Une journée de travail à Gaomi

La formation en alternance : une solution gagnante

La formation en alternance proposée aux techniciens de Gaomi est un autre exemple de culture d'entreprise allemande. Le système est presque inconnu en Chine, selon Qian Liu, « Dual Education Training Manager » de l'usine. Âgé de 38 ans et admirateur du système de formation allemand, cet ingénieur a rejoint CLAAS l'an passé, après avoir travaillé notamment pour BMW en Chine.

En règle générale, les entreprises chinoises recrutent leurs collaborateurs après leurs examens pour les former ensuite. Chez CLAAS, la démarche est différente, puisque les apprentis passent une grande partie de leur temps à l'usine parallèlement à leur scolarité dans un lycée. « Lorsqu'ils passent leur examen, les jeunes techniciens connaissent déjà les coulisses de l'usine et ont déjà un plan de carrière en tête », explique M. Liu. « C'est très appréciable. » Jusqu'à présent, douze apprentis ont suivi ce programme de formation, sachant que l'usine aimerait en former nettement plus.

« Nos moissonneuses-batteuses sont certes fabriquées en Chine,
mais elles sont surtout fabriquées chez CLAAS »

Xi Chen, directeur de l'usine CLAAS de Gaomi, explique ce qui fait la spécificité du centre de production.

Interview de Xi Chen

Un marché porteur essentiel

Toutes ces démarches vont dans le sens de la stratégie CLAAS sur le marché chinois. Le groupe entend développer le volume des exportations de l'usine de Gaomi, d'où sont expédiées des moissonneuses-batteuses à destination de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie centrale. La production de pièces et sous-ensembles pour d'autres usines du groupe tend elle aussi à gagner en importance, car elle permet à CLAAS d'exploiter les avantages offerts par la solution en termes d'approvisionnement et de fabrication propre.

« La Chine demeure pour nous un marché porteur essentiel dont les spécificités et le contexte général doivent néanmoins toujours être évalués avec esprit critique », déclare Bernd Kleffmann, Senior Vice President Product Unit Combines Range C-F chez CLAAS. « L'autosuffisance alimentaire est un sujet prioritaire en Chine. Cela explique pourquoi les produits de différentes usines CLAAS y trouvent des débouchés, à l'instar des moissonneuses-batteuses vertes et rouges fabriquées à Gaomi. »

En semaine, pour exercer ses fonctions de directeur d'usine, Xi Chen vit dans un petit logement à Gaomi. Le week-end, il rentre à Shanghaï pour y retrouver son épouse et ses trois enfants après six heures de train, avant de regagner Gaomi le dimanche soir.

Tout comme ses employés, Xi Chen entend poursuivre le développement de l'usine au cours des années à venir : « Nos collègues sont toujours prêts à apprendre quelque chose de nouveau et se réjouissent de voir l'usine continuer de se développer. »

Lundi prochain, animé par cette même ambition, Xi Chen passera à nouveau les grilles de l'usine au plus tard à sept heures avant de débuter sa journée de travail.

De l'agriculture à la littérature :
Gaomi en quelques faits et chiffres

1.

Gaomi est une circonscription de la région de Weifang connue depuis des décennies pour ses constructeurs de machines agricoles qui y fabriquent notamment des moissonneuses-batteuses et des tracteurs. Poumon économique en pleine croissance, Gaomi a un profil aussi agricole qu'industriel. La province de Shandong dans laquelle se situe Gaomi est réputée pour être un grenier à grain et une région de culture maraîchère.

2.

Avec une population de 877 000 habitants (pour comparaison, la ville de Francfort-sur-le-Main en compte 753 000), la ville de Gaomi, chef-lieu de l'arrondissement du même nom, est une petite ville à l'échelle de la Chine. Rien d'étonnant à cela quand on sait que la province de Shandong compte plus de 101 millions d'habitants, soit plus que la population de l'Allemagne, de l'Autriche et de la Suisse réunies.

3.

La ville de Gaomi a une densité de population de 550 habitants/km², soit deux fois celle de l'Allemagne.

4.

Premier titulaire chinois du Prix Nobel de littérature, l'écrivain Mo Yan est originaire de Gaomi. La plupart de ses romans se déroulent dans la cité, parmi lesquels « Le champ de blé rouge » qui, en 1986, lui a permis de percer dans le monde littéraire. L'histoire a été adaptée au grand écran par le réalisateur Zhang Yimou en 1987, dans un film qui a connu un grand succès international.

5.

Grâce au roman de Mo Yan, la ville chinoise de Gaomi est désormais connue pour son sorgho rouge, une variété de millet cultivée dans la région. Le sorgho n'est pas seulement utilisé comme aliment de base à l'échelle mondiale, il sert également de nourriture animale et de carburant une fois transformé en bioéthanol.

Impressions des différents sites